L’essentiel du cas pratique (I)

Ça y est. Elle est enfin arrivée. La musique le prend aux tripes alors que Samantha avance avec un déhanché de déesse. Alors qu’elle vient de retirer son manteau, Jean-Kevin est sur le point de s’évanouir. Ses yeux viennent de tomber sur le plus beau décolleté qui ne lui a jamais été donné de contempler. Pas vulgaire, non. Un décolleté à peine osé, mais raffiné. Mais un décolleté qui lui fait perdre ses moyens. 

La déception ne se lit pas sur son visage. Mais au fond de lui, son âme se brise.  » Samantha est tellement belle !, se dit-il. Comment vais-je pouvoir aller lui parler ? Ce connard de Jean-Major n’arrête pas de l’entreprendre et elle est trop réceptive à son sourire d’intello-lèche-cul !  » 

Il doute. Ses oreilles bourdonnent, l’alcool monte, et il a une sensation désagréable au niveau de la gorge. Comme si on s’amusait à la broyer. « Qu’est-ce que j’ai moi à coté de ce mec ? Tout ce que j’ai moi c’est l’humour. Et un humour de merde en plus ! 

Et il n’a pas tort Jean-Kévin. Il ne le fera pas, mais il a bossé toute la soirée sur une blague qu’il comptait faire à Samantha. Sur le fait que ses TP en école d’infirmière devaient être plus sympas que ses cas pratiques de droit. Et que s’il fallait qu’elle roule du bouche à bouche à quelqu’un, il pourrait la dépanner… 

Vous voyez le genre. 

Si vous êtes comme Jean-Kévin, désolé. Pour l’humour, je n’y peux rien. Mais pour la méthode du cas pratique, là on peut peut-être faire quelque chose.

C’est parti.

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Vous avez dit vulgaire ?

Le Cas Pratique. Contrairement au commentaire d’arrêt, il s’agit sûrement de l’exercice le plus traître en fac de droit. Au moins au début du cursus universitaire. Personnellement il m’a fallut 4 ans pour comprendre comment fonctionnait cet exercice, quelles en étaient les attentes. C’est arrivé en M1 que j’ai réellement su faire un bon cas pratique. Non pas qu’avant je me prenais des cartouches à chaque fois, mais selon le sujet, l’axe de rédaction du partiel, je me plantais ou je brillais.

Dans cette série d’articles, nous allons voir les points essentiels du cas pratique. Des attentes réelles des examinateurs à la construction de la démonstration juridique.

A commencer par…

Le but du cas pratique

Comme vous le savez sans doute, le cas pratique vous met dans la peau d’un avocat, ou au moins de son stagiaire – surtout en L1 et L2…- alors qu’un client arrive paniqué, et demande vos conseils. Et là vous lisez un pavé -ya même pas d’image en plus !- dans lequel le client vous raconte toute sa vie, et vous livre des faits pas forcément intéressants pour votre dossier. Mais on y reviendra.

Le côté humain de l’énoncé représente un piège majeur. Avoir de la sympathie pour votre client, et vouloir que sa cause soit reconnue. En gros, vous voulez que votre client gagne. C’est la meilleure façon de se planter lors de l’examen.

(Sauf quand l’énoncé vous demande expressément de défendre son point de vue).

Le but du cas pratique est de livrer au correcteur une vision neutre de la situation juridique que l’on vous présente. Cela signifie que si votre client (fictif hein ? ne l’oubliez pas !) doit perdre, il doit perdre.

On vous demande de livrer un conseil juridique objectif ! 

La plus grosse erreur, est de croire qu’on vous demande de le défendre, et de tordre le droit au bénéfice de votre client. Je l’ai déjà dit mais croyez moi, la base de la pédagogie, c’est la répétition !

A partir de ce constat, le cas pratique est réussi si vous remplissez  4 conditions : qualifier les faits pertinents, Trouver une problématique, confronter les faits au droit et donner une solution.

Vous avez le sujet devant vos yeux et 1h30 ou 3h devant vous. Et plusieurs étapesà franchir avant de rendre la copie.

Bien analyser les faits

 

La lecture

La première chose à faire est de lire le sujet dans son intégralité au moins deux ou trois fois. C’est très important pour au moins deux raisons :

  • Cela vous permet d’avoir une vue d’ensemble du ou des problèmes que vous allez avoir à traiter et à ne pas traiter. En lisant sans prendre de note, votre cerveau commence à rentrer dans la peau de l’avocat, du juriste à qui on confie un dossier.

 

  • Le fait de lire plusieurs fois, permet de comprendre et d’intégrer les subtilités dans les faits qui vous auraient échappés avec une seule lecture.

 

  • Ensuite, relisez le sujet une 3° fois. Pendant cette lectures vous allez écrire sur le sujet, de préférence au crayons à papier (plus discret). Chaque fois qu’un phrase vous fait penser à une notion juridique, notez-la, à côté de la phrase. Même si la notion vous paraît complètement hors-sujet, ou débile, notez-la.

 

A ce moment de l’épreuve, votre cerveau est en ébullition, il a plein d’idées qui arrivent, et il faut toutes les noter. Les bonnes idées se trouvent parmi les mauvaises. Donc notez bien les deux.

Garder les faits pertinents

Est-il besoin de rappeler que sans les faits, il n’y a pas de devoir ? C’est donc le premier cœur de votre devoir. Il faut être capable de séparer les faits pertinents des faits parasites. Séparer le bon grain de l’ivraie. Je vous laisse chercher sur internet ce que ça veut dire…

Les faits pertinents sont ceux qui précisent le problème. Ce sont les faits qui précisent quel régime juridique va s’appliquer à la situation. Pour une question de divorce, un fait pertinent va être l’adultère. Un fait impertinent va être la dernière partie de GTA du fils idiot de la famille. Pourtant les deux informations peuvent être présentées de sorte qu’elles semblent d’égale importance. N’oubliez pas que dans l’exemple on parle de divorce pour faute. Illustrons donc ce qu’il vient d’être dit.

De plus Monsieur Cornu vous informe. « Ma femme est censée s’occuper de notre fils pendant que je suis en déplacement. C’est normal non ? Déjà que le petit n’est pas une flèche, elle le délaisse et il se réfugie dans des jeux vidéos violents !! » S’effondrant en larme sur le revêtement cuir de votre bureau, il craque et avoue : « En plus internet parle d’elle !! J’ai vu les surnoms qu’elle avait dans ses vidéos, et les commentaires de ceux avec qui elle couche ! Tout le monde lui passe dessus sauf son mari ; c’est un vrai laboratoire à MST ici, obligé de mettre trois préservatifs pour être sûr… ».

Essayant de contenir votre fou rire, et offrant un Kleenex à votre client, vous le conseillez sur la situation.

Dans cet exemple hypothétique, vous voyez bien que les faits pertinents vis-à-vis de la procédure de divorce, sont la vie sexuelle débridée de Madame. Le comportement qu’elle adopte vis-à-vis de l’enfant sera utile lors de la demande de garde de celui-ci. Mais pour la procédure de divorce en elle-même, cela ne compte pas.

Problématiser le cas pratique

 

Comme pour le commentaire d’arrêt, la problématique est importante. Il y a deux situations auxquelles vous pouvez être confrontés le jour J.

Plusieurs questions sur le même cas pratique.

Dans ce cas, pas de difficulté. Vous avez toutes les problématiques déjà formulées. Il suffit de les traiter au cas par cas, et dans l’ordre des questions.

Une seule question générale du style « Quid Juris ? » (Que dit le droit?).

Dans ce cas, votre problématique doit recouvrir l’ensemble des éléments pertinents du cas pratique. Jusqu’en M1 je formulais toujours la question ainsi : La question qui se pose est de savoir si…. ? 

La question doit être juridique. (Comme pour les faits pertinents) Pour reprendre notre exemple, il ne faut pas demander : est-ce que le fait que sa femme couche droite ou à gauche permet à monsieur Cornu de gagner le divorce ? Il n’y a rien de juridique dans cette question. Même si c’est la question que lui se pose, vous en tant que juriste, vous devez analyser la situation au regard du droit. Une meilleure problématique serait :

La question qui se pose est de savoir si l’adultère répété d’un des époux caractérise une faute justifiant une demande de procédure en divorce pour faute ? C’est un peu verbeux, j’en conviens, mais de loin plus précis. Pour plusieurs raisons :

Je ne parle ni de monsieur, ni de madame, mais d’époux.

Je caractérise les motifs qui pourraient justifier le divorce, et j’appelle à la définition, l’analyse et l’application du régime.

En partant de la situation des époux, je prend de la hauteur, en parlant de l’adultère en général et des conséquences sur une procédure de divorce précise.

Car comme pour le commentaire d’arrêt, on veut voir votre raisonnement. Encore une fois, la situation de M. Cornu, on s’en fout. Ce n’est qu’un prétexte pour voir si vous savez manipuler les concepts juridiques vus en cours.

Donc une problématique qui couvre la situation, mais exprimée en termes juridiques et un peu plus générale.

Je sens que je commence à vous perdre. Aussi allons nous faire une pause dans cette méthode du cas pratique. Le reste de la méthodo, c’est ici.

Allez, à de suite !

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Jean-Kévin, Jean-Major ou Jean-Segpa ? Je vous laisser décider dans les commentaires.

 

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