La dissertation : Entre hors-sujet et copie blanche

A Toulouse, la fac de droit a eu il y a quelques années, une idée pour le moins saugrenue, et très humaniste. Accueillir en son sein, d’autres cursus de sciences sociales, tels que l’IAE, AES, Eco-Droit ou Eco-Gestion. Cette pratique n’a pas manqué de susciter des réactions houleuses au sein de la communauté juridique estudiantine. 

« Le droit on l’aime ou on le quitte » pouvait-on lire ça et là sur les murs défraîchis des bâtiments des Anciennes Facs. Et d’autres encore, que la pudeur m’empêche de vous retranscrire en ces lignes.  Avaient-ils raison ? Avaient-ils tort ? Nul ne peut le dire à présent.

Fait curieux, un dernier institut est venu se greffer à la fac de droit, surnommée depuis Fac de l’Arsenal, et enfin UT1 Capitole : l’IEP. Science-Po. Allez savoir pourquoi, plus personne ne s’est soucié du politiquement correct, lorsque cette invasion de Jean Science-Po a eu lieu en nos murs.

Prompts à défendre nos filles et nos compagnes, nous nous faisions un point d’honneur à ne pas se lier d’amitié avec cette engeance particulièrement désagréable. 

Petit à petit, nous perdions du terrain. La cafet’ était envahie par ces hordes de barbares, si bien que quelques traîtes parmi nos rangs, se sont liés d’amitié avec les perfides « futurs-chômeurs-bobos-de-gauche ». Mais ils y sont vite revenus.

En effet, les salopiauds d’en face, se faisaient un malin plaisir de leur rabâcher sans cesse que « ouiii, le droit c’est bien, mais NOUS en Science-Po, on réfléchit au mooooonde, toussaaaaaaaa ! Et que vous, juristes au cœur sec, n’êtes même pas capables de faire une dissertation digne de ce nom. »

Aujourd’hui Jean-Sciencepo est content. Il sait toujours faire sa dissertation. Ça lui est particulièrement utile lorsque sa conseillère Pôle Emploi lui propose des missions de manutention…

Mais vous braves gens, avez un bel avenir devant vous ! Quelques points à régler en dissert, et le tour est joué !

La dissertation

La dissertation est un exercice assez particulier. Déjà, aux partiels, les profs ont plus souvent tendance à proposer des cas pratiques ou commentaire d’arrêt, les deux stars des examens. Au CRFPA par exemple, la dissertation est un exercice très rarement imposé aux candidats. Il est donc particulier par sa rareté.

De plus, la dissertation, plus que le commentaire ou  le cas pratique, est un appel aux hors-sujet ou à la récitation bête du cours. Pourtant, ce n’est pas le même exercice que l’oral-écrit ou l’oral de cours.

Sur le hors-sujet, nous le disions, la dissertation est l’exercice le plus simple pour foncer tête baissée dans tout ce qui ne concerne pas le sujet.

Comment faire pour éviter le hors sujet, tout en n’étant pas trop court sur ce que l’on va bien pouvoir écrire ?

La dissertation est une démonstration

Surtout pas une copie améliorée de votre cours. Une démonstration juridique, construite et argumentée. Comme pour le cas pratique, ou le commentaire d’arrêt, la dissertation est comme une discussion, un monologue de votre part dans lequel vous explicitez, et surtout analysez un point de droit. Même si vous ne voulez pas le faire, et que votre bourreau n’a pas eu le bon goût de vous laisser le choix du sujet…

La difficulté de la dissertation est donc la suivante. Comment savoir ce qui est à démontrer, comment savoir quelle démonstration est attendue ? Qu’est-ce qui doit faire partie du devoir, et qu’est-ce qui ne doit pas en faire partie ? Le droit vaut-il que je lui consacre ma vie ? D’ailleurs, la vie, qu’est-ce que c’est au final ? Un peu de joie, beaucoup de difficultés, non ? Pourquoi sommes-nous là ?

Oh ! Ça va oui ? On se calme. Pour le sens de la vie, les vrais savent que c’est 42. Pour les autres, lisez ou regardez H2G2 : le guide du voyageur galactique.
Pour le reste, il n’est pas si difficile que ça d’éviter le hors-sujet, sans avoir le syndrome de la page blanche.

Dans la dissertation, vous devez donc restituer votre cours, en lui donnant un sens -via la problématique- et une analyse juridique. Il faut qu’à la fin de la dissertation, vous soyez en mesure de vous dire « j’ai démontré ce point ».

42

En fait, je comprends, mais vous n’êtes pas prêts à écouter l’explication. Voilà tout.

Bien connaitre ses cours

Vous allez dire que d’article en article, je me répète. Alors d’une part, je fais bien ce que je veux ! Si pendant trois lignes j’ai envie d’écrire que Kylo Ren est ma princesse Disney préférée, rien ne m’en empêche ! D’ailleurs :

Kylo Ren est ma princesse Disney préférée Kylo Ren est ma princesse Disney préférée Kylo Ren est ma princesse Disney préférée Kylo Ren est ma princesse Disney préférée Kylo Ren est ma princesse Disney préférée Kylo Ren est ma princesse Disney préférée

Voiiiiilà.

Ensuite, il est vrai qu’apprendre ses cours est important pour tous les exercices. Cas-pratique, commentaire d’arrêt, et dissertation. Mais on peut toujours essayer de feinter en cas pratique, avec le code, ou en commentaire, en s’aidant beaucoup de l’arrêt. Ça ne suffira pas à avoir une bonne note, mais on peut sauver les meubles, ou au moins gratter une copie double.

Si vous avez déjà fait des dissertations, vous vous êtes rendus rapidement compte que les sujets sont pour le moins succincts. « Le droit. » « Les acteurs de la négociation collective. » « La déclaration de 1789 ».

Face à des sujets aussi élaborés, on remarque deux choses :

  • L’auteur du sujet a du passer de longues nuits d’insomnies à pondre quelque chose d’aussi abouti.
  • Connaître ses cours peut-éventuellement être utile, tant le sujet livre d’informations…

Pour faire simple, si vous ne connaissez pas votre cours, vous risquez de souffrir d’une amère déconvenue au moment des résultats. Pour les Jean-Segpa : SI TOI PAS APPRENDRE TOI RATER SEMESTRE.

En sachant le cours, voici les deux écueils à éviter.

Eviter le hors-sujet

Pour éviter le hors-sujet, il faut travailler très sérieusement sur son brouillon. La réussite de la dissertation se fait pendant la phase du brouillon.

Même, pendant la lecture de l’énoncé.

Décortiquer le sujet

Cela peut sembler paradoxal : le sujet est généralement une phrase très très courte, et c’est là-dessus qu’il faut passer le plus de temps ! Il y a plusieurs étapes pendant la lecture du sujet.

1) Relisez-le deux ou trois fois, en prenant le temps « d’intérioriser » le sujet. Il va vous accompagner pendant 1h30 ou 3h. Autant l’apprivoiser directement.

2 ) Définissez les termes du sujet. 

Votre sujet est très court. Il vous faut donc retirer le maximum d’indications de l’énoncé. Pour cela, définissez tous les mots de votre sujet. TOUS.
Pour les termes juridiques, définition juridique. Pour les termes courants, définition courante.

Sur une épreuve d’1h30, comptez un bon 10-15 minutes pour cette étape.

Quel est l’intérêt ?

C’est très simple. En vous forçant à définir les termes, vous commencez déjà à analyser le sujet, savoir quels sont ses limites et ses points importants. Pour le dire encore différemment, de manière inconsciente et naturelle, vous allez vous guider sur les bons thèmes à aborder lors de la dissertation.

Dans l’ordre : les termes juridiques, puis les termes non-juridiques.

Dans les termes juridiques, commencez par le plus important, celui qui représente le cœur du sujet.

Prenons un exemple :

« Les limites du licenciement pour motif économique »

Licenciement : C’est le terme juridique le plus important. Il est au cœur de la question, et tous les autres mots précisent celui-ci. Le licenciement est la rupture unilatérale du contrat de travail, par l’employeur, en vertu de son pouvoir de décision, direction et contrôle.

Ensuite on a « Motif économique« . Il faut connaître son cours de droit du travail pour savoir que le motif économique est l’élément central de la justification du licenciement. Il est lié à l’activité économique de l’entreprise, et non lié à la personne même du salarié.

Le licenciement pour motif économique est donc la décision unilatérale de l’employeur de mettre fin à un ou plusieurs contrats de travail.

Jusqu’ici nous avons abordé des notions très juridiques, puisque contenues dans le Code du Travail. 

Vient le mot « limites« . C’est un terme non juridique, donc on le définit en dernier. La limite est la fin de l’objet circonscrit, définit. C’est assez abstrait comme concept, mais on est suffisamment intelligents pour saisir que la limite marque la fin de quelque chose. Même Jean-Kévin, qui est à lui seul la limite du système éducatif en son entier.

Si vous avez fait attention, le mot limite est en fait au pluriel. Donc dans le sujet, on nous indique qu’il y a plusieurs limites au licenciement pour motif économique. 

Et je vais le préciser ici : Il s’agit vraiment des limites. Pas des conditions d’ouverture du régime. C’est une différence fondamentale en droit. Conditions et limites sont deux choses différentes.

Dans le corps du devoir, nous savons maintenant ce qui est dans le sujet, ou hors du sujet. Toute la partie sur la qualification du motif économique est à dégager, tout ou partie, le régime du licenciement éco aussi. Pour se concentrer sur la dernière partie, les limites.
C’est là-dessus que porte réellement le sujet.

A partir de ce moment, c’est beaucoup plus simple pour ne pas se planter. Vous avez définit les termes du sujet, et vous savez ce qu’il doit impérativement contenir.

Mais, me direz-vous, comment écrire sur un sujet aussi restreint ? Après tout, c’est pas si imposant que ça en terme de volume de cours ?

Mes jeunes Padawans, vous avez encore bien des choses à apprendre.

younglings

Etudiants de première année – métaphore.

Ne pas rendre copie blanche

Maintenant que vous avez réussi à éviter le premier écueil, il serait dommage de se viander sur le second, non ? Pour cela, il y a deux étapes avant de passer à la problématique. – le plus souvent, la problématique commence à naître, avec la définition des termes du sujet-

Jeter toutes vos idées sur le brouillon.

Comme pour le cas pratique, il faut jeter toutes les idées qui vous passent par la tête sur votre brouillon. Vous pourrez filtrer un peu plus tard celles qui seront utiles de celles qui seront inutiles.

Bien évidemment, ces idées doivent être en rapport avec le sujet ou au-moins le droit dans son ensemble.Toutes vos idées sur comment droguer Valentine en lui faisant boire du Tariquet-GHB, ce n’est pas vraiment pertinent ici. Encore que… Bande de déguelasses !

Répondre à la question « pourquoi ? »

Dans ma verte jeunesse, il m’arrivait comme vous d’avoir des difficultés en dissertation. Ce n’est pas vrai, je suis brillant et travailleur. Un prof nous avait donné cette astuce que je vous donne à mon tour. Répondez à ces questions, aussi connes puissent-elles paraître.

  1. Pourquoi ce sujet ?
  2. Pourquoi moi ?
  3. Pourquoi aujourd’hui ?

Les réponses que vous trouverez à ces questions vont vous permettre 4 choses :

  • trouver ou peaufiner votre problématique
  • trouver le fil conducteur de votre démonstration
  • faire des liens avec l’actualité, l’évolution de la notion (s’il y en a une)
  • soulever les problèmes liés à cette notion

En effet, alors que le sujet de la dissertation est très court, ces questions vous permettent d’ouvrir votre réflexion à tous les « à cotés » du régime applicable, de l’état du droit actuel. Et c’est justement le but de la dissertation. C’est la différence entre cet exercice et la récitation simple du cours.

De plus, ces questions vous aiguillent, dans le sens où elle révèlent l’intérêt du sujet. Car il y en a toujours un. Même en première année, il ne faut pas croire que c’est juste pour voir si vous savez votre cours.

Pour ce qui est du plan et de la construction de vos idées, un article fera l’objet de tous les détails qui feront la différence.

Mais comme je ne suis pas un enfoiré, et que je ne veux que votre bonheur, voici quelques éléments.

Dans l’intro.

Reformulez les réponses aux questions posées (Les pourquoi). Vous devez parler de l’intérêt du sujet.

Vous devez donner une définition sommaire des sujets que vous allez aborder dans vos parties. Vous définissez le sujet, vous le reformulez.

Vous excluez tout ce qui n’est pas du sujet. Cela montre au correcteur que vous connaissez ces notions, et que vous les situez par rapport au thème du jour. Et ça c’est bon pour vous.

Dans les parties.

Ce que vous abordez à un moment du devoir ne doit pas apparaître par la suite. UNE FOIS QU’UNE IDEE EST TRAITEE, NE REVENEZ PLUS DESSUS. Dans une démonstration, il y a une logique.

Si dans Harry Potter VII, l’auteur vous raconte à nouveau la mort de Sirius Black, cela n’a aucun intérêt. Dans votre devoir, c’est la même chose.

Pas de conclusion. 

Mais ça vous le savez. Éventuellement, une phrase qui reprend la démonstration, et une ouverture sur un problème proche de celui-ci, ou en découlant.

En résumé

  • la dissertation est une démonstration qui se base sur vos excellentes connaissances de cours
  • définissez les termes du sujet, méticuleusement
  • notez toutes les idées qui vous passent par la tête
  • répondez aux trois questions
  • à partir de là, vous trouverez votre problématique et l’axe de votre devoir

Dans tous les cas, faites vous confiance ! N’utilisez pas des tournures de phrases compliquées. La simplicité grammaticale est le meilleur des partis.
A l’approche des partiels, ne vous démotivez pas, rappelez vous pourquoi vous faites du droit, ce que vous aimez dedans, et ne vous comparez pas aux autres ! Il est facile de faire illusion de génie ou de passer pour un travailleur acharné, pour démotiver ses petits camarades.

Ça ne doit pas vous atteindre les enfants.

Et puis moi, en ce beau dimanche de novembre, je vais aller voir ce qu’il y a en dehors du droit, et du monde de l’internet.

Il paraît que c’est pas mal non plus.

La bise !

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« Je veux que vous me fassiez un essai sur le Polynectar. 33 cm de parchemin au minimum. Pour demain. »

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