Il n’y a pas si longtemps, lorsque vous entendiez le mot doctrine, vous pensiez – dans vos petites têtes de lycéens boutonneux – aux régimes totalitaires! : Mao, Staline, Mussolini (je ne veux pas atteindre le point Godwin – donc pas de mention de nos voisins germaniques !). Quelque chose de négatif donc, mais qui appartient – apparemment – au passé.
Si vous avez eu le bon goût de faire un bac ES, vous savez toutefois que la doctrine est en fait un amas de réflexions théoriques sur un sujet donné. Réflexions faites par de vieux messieurs avec de longues barbes blanches, qui digressent pour un oui ou pour un non, sur n’importe quel sujet donné. Le tout accompagné d’un Monte-Christo et d’un verre de Brandy.
A la limite, pourquoi pas ? Ils font bien ce qu’ils veulent après tout. Mais de là à vous faire apprendre les courants de pensée de tel ou tel auteur… Non !
Soulagé d’avoir validé votre bac, même si – ne nous mentons pas – c’était plus difficile à mon époque – vous croyiez qu’en vous inscrivant à la fac de droit, vous en auriez fini avec les théories fumeuses qui ne servent à rien. En droit on fait du concret ! Mmm… Mmprft… Mouhahaha ! La blague.
En droit comme dans toutes les sciences sociales, il y a de la doctrine. Et si vous voulez décrocher la sacro-sainte place en M1-M2, il va falloir vous pencher un peu dessus les enfants…
Et sachez que, contrairement aux idées reçues, vous pouvez tirer énormément d’avantages à lire des articles de doctrine. Abordons donc les bienfaits de la doctrine sur vos cerveaux toujours trop préoccupés par le jean taille basse de Samantha, devenu une institution au sein de la gente masculine étudiant le droit dans votre fac.

Allez. Je ne l’ai pas cité, mais c’est tout comme. Vous pouvez distribuer des Points Godwin, mais avec parcimonie. Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités.
Pourquoi ne lisez vous pas de doctrine ?
Aujourd’hui on fait dans l’audace ! J’ose mettre une photo tendancieuse, qui m’attirera peut-être les foudres de ceux qui n’aiment pas l’humour noir, et j’ose prétendre pouvoir répondre à votre place à la question que je vous pose.
Il y a plusieurs cas de figure à envisager.
Vous n’avez pas le temps
Il existe des étudiants – une grande majorité en fait – pour qui rendre un travail à l’heure est une tâche qui relève de l’impossible. On ignore comment ils font, mais la veille d’un TD, ils griffonnent rapidement un plan tout pété sur un brouillon, en priant pour ne pas être relevés par Jean-Doctorant lors de la séance du lendemain. Je crois même que Dieu/Allah/Yavhé n’a jamais autant été prié que la veille d’une séance de TD non préparée.
En fait, si. La veille des partiels, les étudiants deviennent tous croyants, à la limite du mysticisme…
Toujours est-il que si Jean-Retard(é) n’a pas eu le temps de finir son TD convenablement, vous pensez bien que la doctrine, il s’en tape royalement. Certains étudiants ne savent même pas à quoi servent les dernières feuilles sur les plaquettes de TD (vous savez, là où sont mentionnées les références des articles de doctrine) et se disent que c’est scandaleux d’abattre des arbres pour gaspiller du papier comme ça. Donc bon…
Mais ne les jugeons pas.
Vous ne vous en sentez pas capable
J’écris ce paragraphe en sachant très bien que peu d’étudiants en droit ressentent cette infériorité intellectuelle. Avec le melon que vous avez…
C’est bien compréhensible et pourtant totalement injustifié !
Il est fréquent, lorsqu’on lit un article de doctrine, de se sentir complètement à coté de la plaque, tant l’analyse de l’auteur nous paraît compliquée et fine. Il cite 40 jurisprudences à la minute, il mentionne des auteurs obscurs comme vous citez Hannounah ou Moundir, et il utilise des mots compliqués (plus de trois syllabes). Donc forcément, vous ne vous sentez pas en confiance. Peut-être que vos connaissances sont nulles, peut-être que vous n’avez rien compris à la notion du cours qui fait l’objet de ce commentaire…
Faites vous confiance !
Rappelez vous votre première fois. Non pas celle-là, bande de sagouins ! La première fois que votre chargé de TD vous a donné un arrêt à lire et que vous avez regretté de ne pas avoir pris chinois LV1 au collège ! Maintenant, vous y arrivez de plus en plus facilement si vous êtes en première année, et c’est parfaitement naturel si vous êtes plus avancé dans vos études.
Avec la doctrine c’est pareil. La première fois sera compliquée, (toujours pas d’allusion à autre chose…), vous vous direz que vous n’êtes pas du tout au niveau, mais :
- il est parfaitement normal que vos connaissances vous semblent bien médiocres. Vous lisez la prose d’un universitaire dont le métier est de se tordre la cervelle pour pondre des analyses de ce genre, ou d’un doctorant assez calé sur le sujet pour que son directeur de thèse lui dise « c’est bon mon gars, tu peux écrire un article sans trop te ridiculiser ». Donc des personnes qui sont nécessairement plus compétentes que vous sur le sujet.
- aussi bon que vous soyez, vous n’avez pas la maturité, la réflexion et l’analyse de personnes qui ont 10 ans de pratique en droit. On ne peut donc pas attendre de vous le même degré d’analyse qu’un maître de conférence.
Mais cela ne doit pas vous empêcher de lire les articles de doctrine que vous propose gentiment votre professeur.
En effet, ces articles sont de véritables mines d’or pour tous les étudiants en droit. Et j’exagère à peine.
Un complément à la méthodologie
Avant même de parler du contenu des articles, ils vous seront d’une aide précieuse pour faire des copies « carrées ».
Le raisonnement
Qu’est-ce qu’un article de doctrine ?
Vous pouvez tomber sur deux types d’articles. Le commentaire d’arrêt ou la dissertation. Comme ce que l’on vous demande le jour des partiels, oui. Soit l’auteur commente un arrêt du CE ou de la Cass, soit il fait un point sur une notion de droit qui est débattue au moment de la rédaction de l’article.
Et vis-à-vis de la méthodologie, un article est un peu le Saint-Graal de tous les étudiants : un plan logique, de la précision alliée à une grande concision. Une légende.
Donc évidemment sur le raisonnement, vous pouvez largement vous inspirer des articles que vous lisez. A vous d’observer le déroulé des argumentaires, comment l’auteur pose ses définitions, recontextualise, ou replace l’arrêt dans la jurisprudence.
En un mot comme en cent, vous avez la possibilité de comprendre tous les conseils de méthodologie que l’on vous a donnés au cours de votre cursus, par des illustrations concrètes.
Le style
Vous le savez sans doute, en droit on est loin de chez McDo. Il n’y a pas de venez comme vous êtes et autres phrases de hippies dans le même genre. Non. En droit il faut que ce soit carré. Les hommes ont les cheveux courts et les femmes un petit foulard Chanel délicatement noué autour du cou.
Et point de vue rédaction c’est la même chose. Il est fortement recommandé un langage technique et des phrases simples. Ici encore quoi de mieux qu’un article de doctrine pour vous inspirer ? Vous pouvez même pomper allégrement des pans entiers de l’article, des tournures de phrases qui « sonnent juriste » pour impressionner vos profs et qu’ils puissent se dire « Je l’appelais Jean-Connard ? Je devrai l’appeler Jean-Juriste ! »
N’hésitez donc pas à vous inspirer de leurs annonces de plan, de leurs titres, et même de leurs transitions.
Vraiment, si vous n’avez qu’une seule chose à tirer de cet article c’est ce conseil. Pour comprendre la logique du commentaire et de la dissertation, n’hésitez pas à lire des articles de doctrine.
Etoffer ses raisonnements
Ça reste malgré tout la raison première qui pousse vos profs à vous proposer des articles de doctrine.
Bon, il y a aussi le coté je flatte mon ego en montrant à mes étudiants qu’entre deux cours, je suis un universitaire de renom qui publie régulièrement dans des revues prestigieuses. Mais pas que.
En lisant de la doctrine, vous découvrez rapidement le travail d’universitaires incontournables dans la matière, et vous approfondissez des analyses qui ont été rapidement mentionnées lors de vos cours. Vous savez, ce que vous ne notez jamais quand le prof vous dit « Le Doyen Machin s’oppose à cette décision dans son article blabla, arguant que… ». Et bien en lisant des articles vous découvrez son argumentaire et vous vous en imprégnez beaucoup plus que par une simple phrase lâchée par votre prof.
Avoir quelques idées sur les courants de pensée, vous permet de survivre aux sujets très précis. Lorsqu’un sujet demande peu de connaissances et beaucoup de réflexion, la différence se joue uniquement sur vos connaissances doctrinales. Et votre capacité à raisonner, à extrapoler, à associer des concepts ou à les comparer.
Alors n’hésitez surtout pas à citer un auteur qui vous semble être incontournable dans la matière, et soyez capable de résumer rapidement son point de vue. Votre talent vous permettra de broder autour de ça. Et l’air de rien, vous aurez déjà une sous-partie complète et pertinente !
Que retenir de tout ça ?
C’est très simple.
Tant sur le fond de la matière que sur la méthode, il est toujours bénéfique de lire de la doctrine.
Vous progressez dans l’organisation de vos devoirs, et ceux-ci deviennent plus pertinents, plus juridiques.
Ne vous inquiétez pas malgré tout ! Vous n’êtes pas obligés de passer vos soirées à lire de la prose juridique. Un article par séance de TD est déjà une très bonne chose ! Et -ça dépend des articles – mais 10-15 minutes suffisent amplement à finir un article. Même s’ils sont moins drôles et moins intéressants que ceux de votre serviteur…
Allez, la bise !

Mesdemoiselles, pour le plaisir de vos yeux. De rien.
Pingback: Bénissons les séances de TD !! | Survivre au droit
Magnifique
J’aimeAimé par 1 personne
Merci 😀 les gens de goût sont de ton avis…
J’aimeJ’aime